Le nombre de personnes diagnostiquées avec une fibromyalgie ou plus simplement un syndrome douloureux diffus chronique ne fait qu’augmenter sans que l’on puisse encore à ce jour en définir exactement la cause ni comment la traiter.
Plusieurs pistes sérieuses existent à ce jour : la piste neurologique et la piste auto-immune avec des phénomènes micro-inflammatoires.
Il est ainsi démontré à ce jour qu’il existe chez ces sujets une sensibilisation centrale à la douleur : en résumé, plus vous avez mal, plus vous aurez mal pour un stimulus de plus en plus infime et tout cela du fait d’un cortex cérébral surstimulé par la douleur.
Il est également démontré que la douleur est à l’origine d’un stress oxydatif et de phénomènes micro-inflammatoires qui vont eux aussi à terme majorer les douleurs.
Cependant il y a un phénomène qui n’était que peu pris en compte dans sa spécificité qui sont les troubles du sommeil dans le cadre de la fibromyalgie et on ne les pensait que résultants des douleurs ou d’un affect psychologique particulier.
Pourtant dès 1976, le Dr H.Moldofsky montre que la privation de sommeil chez des sujets sains provoquent des symptômes similaires à la fibromyalgie.
Et dès 1991 apparait le fait que les patients souffrant de fibromyalgie ont une plus haute prévalence d’un schéma d’onde du sommeil bien particulier : les ondes alpha-delta. En simplifié, alors que ces sujets devraient être en sommeil profond et réparateur (onde delta) des ondes alpha (sommeil léger) apparaissent de façon très significative.
Le résultat est une hyper fragmentation du sommeil avec des quantités parfois infimes de sommeil profond. Alors que la norme est à 25% de sommeil profond sur une nuit, ces sujets ont souvent moins de 10%. Point confirmé lors des polysomnographies réalisées au sein de notre cabinet chez les patients souffrants de fibromyalgie.
La conséquence est une sensation de fatigue permanente du fait d’un sommeil non réparateur. Les autres conséquences sont un épuisement psychique avec une plus forte sensibilité à la douleur et la non-synthèse de nombreuses molécules anti-inflammatoires ce qui ne fait qu’amplifier le stress oxydatif sur l’organisme.
Depuis les études et les publications se sont multipliées jusqu’à faire émerger un nouveau paradigme.
Les troubles du sommeil seraient une des causes de la fibromyalgie et non pas obligatoirement seulement leur résultante.
La conséquence de ce changement de point de vue est qu’il devient alors prioritaire de traiter les troubles du sommeil chez cette population, dont notamment les syndromes d’apnée du sommeil ou de haute résistance des voies aériennes supérieures même à des formes modérées. Mais ouvre aussi la possibilité à d’autres prises en charge médicamenteuse et permette par exemple de mieux comprendre l’origine de la réduction de la douleur lors de la prise de mélatonine chez les patients fibromyalgiques.
L’impact de l’appareillage par pression positive continue, des orthèses d’avancée mandibulaire, de la chirurgie ORL, de la phytothérapie ciblant le système GABA ou de l’utilisation de l’oxybate de sodium (Xyrem) seront décrits dans les prochains articles.
Article rédigé par Dr Loris-Alexandre MAZELIN
H M, P S. Induction of neurasthenic musculoskeletal pain syndrome by selective sleep stage deprivation. Psychosomatic medicine. 1976.
Ab S, Te B, H L. Polysomnography in idiopathic muscle pain syndrome (fibrositis). Arquivos de neuro-psiquiatria. 1991.
Vijayan S, Klerman EB, Adler GK, Kopell NJ. Thalamic mechanisms underlying alpha-delta sleep with implications for fibromyalgia. Journal of Neurophysiology. 5 août 2015;114(3):1923‑30.
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