La fibromyalgie : rendre visible l’invisible
La fibromyalgie : quésaco ?
Reconnue par l’OMS en 1992 comme une maladie rhumatismale, la fibromyalgie est un syndrome douloureux chronique diffus d'origine neurologique et caractérisé par des douleurs de tout le corps, associées à une fatigue et à des troubles du sommeil et de l’humeur. Un « brouillard cognitif » s’aligne également aux symptômes de la maladie.
Cette pathologie est due à des troubles de la régulation dans le cerveau du niveau de douleur.
Autrement dit, la fibromyalgie peut être considérée comme un trouble de la perception de la douleur. Il y a conjonction de troubles qualitatifs et quantitatifs de cette perception : hyperalgésie (perception anormalement importante de stimulations douloureuses) et allodynie (douleur pour des stimulations non douloureuses chez le sujet normal). Hyperalgésie et allodynie caractérisent la fibromyalgie.
D’une manière générale, les symptômes de la fibromyalgie sont chroniques et invalidants. Ils entraînent des perturbations dans les activités de la vie quotidienne et ont des répercussions familiales et sociales, avec des difficultés à se maintenir dans l’emploi, un repli sur soi, un isolement et une qualité de vie amoindrie.
« La douleur est invisible mais elle détruit, isole, fragilise. »
Ce malaise généralisé évoquant une « double peine » (physique/psychique) pour les malades peut s’étendre, selon les ressentis de chacun, à une liste de symptômes considérables…
Des mots pour les maux :
Appelée aussi fibrosite, ou « syndrome polyalgique idiopathique diffus » (SPID), ou encore polyenthésopathie, la fibromyalgie reste une maladie complexe, invisible et très invalidante.
D’un point de vue étymologique, le mot fibromyalgie vient de « fibro », comme fibrose, « myo », comme muscle, et « algie », comme douleur.
Il s’agit très probablement d’un dérèglement du fonctionnement du système nerveux de la douleur dans le système nerveux central et le cerveau qu’il est possible de visualiser, en recherche, grâce à l’IRM fonctionnelle.
Prévalence :
La fibromyalgie est fréquente (environ 2% de la population, soit entre 1,2 et 3 millions de Français.) Avec une grande prédominance féminine (8 femmes pour 2 hommes), la fibromyalgie débute en général vers la trentaine.
La fibromyalgie ne connaît aucune discrimination sociale. Elle frappe à toutes les portes, à tous les étages. Parmi les millions de patients atteints de fibromyalgie, se trouvent des célébrités qui ont parlé publiquement de leur maladie, se livrant sans faux-fuyants. Parmi eux, Morgan Freeman (acteur, réalisateur et producteur de cinéma américain, qui a commencé à ressentir les symptômes de la fibromyalgie après un accident de voiture), Jo Guest (ancienne mannequin britannique dont la carrière a été touchée par la fibromyalgie), ou encore Chris Marques (danseur et chorégraphe connu des plateaux TV).
Mais également Stefani Joanne Angelina Germanotta, Lady Gaga de son nom de scène, chanteuse et actrice américaine de 34 ans. Elle a avoué souffrir de douleurs chroniques depuis plusieurs années, la fibromyalgie rongeant son corps et son esprit. A cette occasion, Lady Gaga a tourné un film-documentaire autobiographique, « Gaga : Five Foot Two », où elle révèle le nom du mal qui la ronge depuis des années.
« Ma douleur ne m'est d'aucune utilité sauf si je la transforme en quelque chose de bénéfique. J'espère que les gens souffrant des mêmes maux et qui verront le film sauront qu'ils ne sont pas seuls. » a-t-elle confié.
Diagnostic :
Difficile à établir, il repose sur un interrogatoire, une évaluation et un examen clinique et la recherche de maladies qui pourraient ressembler à la fibromyalgie (diagnostics différentiels).
Pour l’aider dans sa démarche diagnostique, le médecin peut demander au patient de remplir un questionnaire d’évaluation de la douleur et permettant le dépistage de la fibromyalgie, tel que l’outil d’évaluation Fibromyalgie : questionnaire FiRST (Fibromyalgia Rapid Screening Tool).
On estime que les malades attendent en moyenne entre 5 et 7 ans avant d’être diagnostiqués.
Des prédispositions ?
Le terrain peut être génétique, mais pas forcément. Il peut aussi être hormonal, dû à des traumatismes physiques, psychiques etc… Ce terrain ne suffit pas forcément à développer la maladie.
Il n'y a pas de profil psychologique spécifique de la fibromyalgie. Par contre, plusieurs anomalies psychologiques peuvent être détectées, causes ou conséquences des troubles. Leur mise en évidence sera utile pour le traitement. On peut citer la dépression, l'anxiété, le catastrophisme, l'hypersensibilité aux stress, la peur de la douleur et du mouvement. Leur conjonction aggrave le handicap et peut entraîner des conséquences somatiques avec un déconditionnement à l'effort.
C’est ainsi que l’on peut donc définir une « personnalité » du patient : le syndrome fibromyalgique toucherait en priorité des personnes perfectionnistes, stressées, hyperactives ou surmenées.
Facteurs psy : l’œuf ou la poule ?
Psychosomatique, la fibromyalgie ? Pas si simple.
De nombreux travaux récents avec, en particulier, les techniques modernes d'imagerie fonctionnelle, la création de modèles expérimentaux de fibromyalgie, permettent de penser qu'il y a des anomalies organiques du fonctionnement du système nerveux central, expliquant les symptômes. L'accent est, en particulier, mis sur des modifications des neuromédiateurs.
Selon le Dr Charley COHEN, rhumatologue, « La fibromyalgie n’est assimilable à aucune maladie psychiatrique caractérisée ». Pour autant, dans 30% des cas, les patients fibromyalgiques sont également traités pour dépression. « À force de souffrir, de ne pas être reconnu, cela peut conduire à un alitement dépressif, si bien que certains patients ne luttent plus contre la maladie, ils la subissent ». La dépression serait donc un symptôme de la fibromyalgie, et non le contraire. « Une douleur qui devient chronique engendre des perturbations sur la vie familiale, professionnelle, affective… » renchérit le Dr Cohen dans son ouvrage sur la fibromyalgie. « Elle finit par retentir sur le psychisme du patient et peut provoquer alors des troubles dépressifs. À son tour, la dépression réactionnelle entretient ou majore la douleur. C’est la spirale infernale. »
Les traitements :
Le traitement de la fibromyalgie comprend des médicaments, des techniques non médicamenteuses et une prise en charge spécifique de la douleur.
Les antalgiques en première ligne donc, mais aussi l’exercice physique, la kinésithérapie, les techniques de relaxation, les techniques cognitivo-comportementales, le yoga, la méditation, antalgiques…les spécialistes s’accordent effectivement à recommander une prise en charge globale.
Comme dans toutes les pathologies, l'éducation thérapeutique est aussi importante pour la gestion d'une maladie chronique comme la fibromyalgie. Elle doit également concerner la famille. Le support social est essentiel tout en insistant sur la réalité du handicap même s'il n'est pas visible.
“Le plus dur, c'est de ne pas être pris au sérieux"
Argane, jeune femme souffrant de fibromyalgie.
Enfin, pour une prise en charge globale de la maladie, il convient de s'informer sur sa maladie : « On ne lutte bien que contre ce que l'on connaît ».
Le meilleur moyen de lutter contre le catastrophisme et la sensation d'être seul.e et sans secours est de bien connaître sa pathologie, le nombre de personnes affectées et son pronostic. L'abandon de la croyance, fréquente et délétère, du caractère inexorable du fauteuil roulant est essentiel.
Quel avenir pour la fibromyalgie ?
L’espoir reste de mise pour les personnes souffrant de fibromyalgie. En effet, la recherche sur la maladie avance, notamment sur le rôle joué par le stress, la génétique ou encore les virus dans la maladie ou son déclenchement.
La stimulation antalgique transcrânienne est une voie intéressante largement utilisée dans d'autres pathologies. Elle est atraumatique et sans effets secondaires. Les premiers résultats paraissent encourageants.
Des progrès sont également à attendre de nouveaux médicaments : amélioration de l'efficacité et de la tolérance des antidépresseurs, nouvelles classes thérapeutiques avec notamment des anticorps contre certains neuromédiateurs de la douleur.
Article rédigé par Anne-Lise GAUTHIER
Tags : fibromyalgie ; douleur ; fatigue ; reconnaissance ; recherches ; espoir ; traitements ; soutien
Pour aller plus loin :
· Livre « La Fibromyalgie, un état douloureux enfin reconnu et pris au sérieux » du Dr Charley Cohen, aux éditions J.Lyon, 2011.
· Livre « Blanc de la douleur » publié en 2017 par la Société Française d’étude et de traitement de la douleur.
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