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  • Photo du rédacteurAnne-Lise GAUTHIER

Traumatismes : et nos enfants, dans tout ça ?

Traiter la mémoire traumatique des parents agit sur les comportements problématiques des enfants.


Le traumatisme subit pendant l'enfance du parent peut avoir des répercussions sur la santé de son enfant. C’est ainsi que le démontre une enquête parue dans The pediatrics : "Association intergénérationnelle d'expériences néfastes de l'enfance de parents et des effets sur la santé de leur enfants", rédigée par des chercheuses et chercheurs de l'académie américaine des pédiatres.

En quoi la mémoire traumatique des parents influence les relations familiales ?

Stella CHESS-STATES, pédopsychiatre (1992), à propos de la contribution que le traumatisme précoce de l’enfance apporte au conflit adulte : "Les différences de style de réactivité à l’âge adulte sont souvent une cause plus puissante de dissonances inter-personnelles que ne l’étaient les traumatismes infantiles".


La construction du système émotionnel d’un enfant dépend en grande partie de la qualité de la régulation émotionnelle dont ses figures d’attachement sont capables. Les figures d’attachement principales sont les personnes qui s’occupent le plus de l’enfant (en général la mère et le père). La qualité de la régulation émotionnelle dont un parent est capable dépend quant à lui de son propre style d’attachement et de sa mémoire traumatique. Le stress, la fatigue, et l’isolement sont des facteurs qui réactivent le plus souvent la mémoire traumatique.


Dans leur livre "La régulation des émotions dans la famille", les autrices (thérapeutes et formées en Intégration du Cycle de la Vie) insistent sur la boucle relationnelle à l’œuvre dans les familles : un comportement enfantin qui pose problème aux adultes s’inscrit forcément dans une relation et il se peut que la relation soit dysfonctionnelle du fait d’une histoire traumatique parentale. Dans leur approche, elles prennent en compte le vécu des parents et l’impact de leur histoire de vie traumatique sur le fonctionnement de l’enfant. Les enfants sont par nature dépendants des adultes qui les entourent : ils se construisent en relation. Les parents portent leur propre histoire qui se traduit en style d’attachement, en valeurs familiales importantes, en actes guidés par l’inconscient. Cette histoire influence forcément les relations parents/ enfants et peut perturber la volonté des parents d’être bientraitants ainsi que les comportements des enfants.


Ainsi, le travail d’intégration par la figure d’attachement de sa propre histoire infantile a un effet apaisant sur les relations familiales et sur les comportements dits "difficiles" de l’enfant.




En quoi le style d’attachement des parents joue un rôle dans la formation de celui de l’enfant ?

Il est essentiel de traiter les traumatismes parentaux d’une part mais également la problématique d’attachement du parent d’autre part, pour que l’état de l’enfant puisse s’améliorer en conséquence. À partir du moment où le parent agit différemment, l’enfant peut lui aussi agir différemment (il n’a plus besoin des comportements problématiques pour tenter de trouver sa place ou combler ses besoins propres en communicant au travers de ces comportements).

"Le fait que le parent soit la source de la dérégulation de l’enfant plutôt que la source de sa régulation émotionnelle met l’enfant en situation paradoxale : la source de sa peur vient de la personne vers laquelle il tend spontanément à se réfugier en cas de détresse, d’où les tendances à la désorganisation de l’attachement chez ces enfants. Cette mémoire traumatique du parent peut continuer de s’activer, de « rayonner » dans les générations suivantes. Les enfants de ces adultes traumatisés deviennent alors, malgré eux, les dépositaires de l’histoire de leurs parents et manifestent, au travers de symptômes parfois très envahissants, l’existence du traumatisme enfoui et non résolu du parent" (Delage & Cyrulnik, 2010 ; Lachal, 2006).

Donner davantage de sécurité à un parent en l’aidant à intégrer sa mémoire traumatique au sein de son récit autobiographique lui permet de réagir de manière plus ajustée aux besoins de son enfant. Des réactions plus ajustées peuvent prendre la forme de la sollicitation de l’aide de l’autre parent et/ou d’une présence plus apaisante auprès de l’enfant dans les moments qui activait auparavant la mémoire traumatique.

Que faire quand l’inconscient détériore les relations familiales ?

L’approche de l’Intégration du Cycle de la Vie consiste à intégrer la mémoire traumatique (inconsciente, indicible, indifférenciée dans le temps, avec des attaques de panique, des flash-backs, de l’hyperréactivité ou au contraire de l’anesthésie émotionnelle, de l’absence) en histoire autobiographique (consciente, balisée dans le temps et "racontable"). L’objectif est d'apaiser et de modifier certains schémas de pensées et d'interprétations dans lesquels le parent est enfermé depuis longtemps, ayant un impact négatif en empêchant d’entretenir des relations sereines avec son enfant.


Différent de l’approche par EMDR (Intégration neuro-émotionnelle par les mouvements oculaires), l’ICV travaille avant tout sur la "ligne du temps" et sur "l’enfant intérieur" du parent. Autrement dit, une liste de souvenirs depuis la naissance jusqu'à l’instant T. Inutile d'avoir des souvenirs précis ou d'avoir des souvenirs pour toutes les années. Au cours de la thérapie, la ligne de temps devient généralement plus fournie et prend progressivement davantage de consistance.

Les autrices de "La régulation des émotions dans la famille" mentionnent : "Si le traumatisme n’est pas traité, il risque de continuer de "vivre" dans le présent, comme s’il venait de se produire, modifiant l’ensemble des comportements et la perception du monde et des relations du parent. Le traumatisme modifie alors en profondeur l’état d’être du parent qui risque d’organiser sa vie autour de ce traumatisme enfoui (dissocié) mais toujours en "activité" à l’intérieur de lui".


Parfois, les relations familiales étaient sereines jusqu’à un certain âge de l’enfant à partir duquel il commence à s’opposer constamment, à se montrer violent, à ne plus vouloir manger ou dormir…

Il est important d’identifier à partir de quel âge ces troubles apparaissent. Cela permet ensuite d’explorer l’histoire du parent en difficulté et de traiter cet âge dans l’histoire de la figure d’attachement pour résorber les troubles de l’enfant.





Les limites de la parentalité positive :


On comprend à travers ce rôle de la mémoire traumatique et des styles d’attachement que lire des livres de parentalité positive avec des "astuces pour communiquer" ne peut pas suffire à vivre des relations familiales harmonieuses. Il est normal de ne pas arriver à mettre en pratique des stratégies de communication quand on a une mémoire traumatique qui s’active à chaque colère de l’enfant ou un style d’attachement qui rend incapable de gérer son propre stress et qui désorganise à la fois les réponses émotionnelles du parent ET de l’enfant. C’est la raison pour laquelle s’engager dans une démarche d’accompagnement respectueux des enfants ne peut pas faire l’impasse d’un examen de notre propre histoire.


Au total, les facteurs qui favorisent la résilience suite à un traumatisme sont multiples et peuvent être individuels, situationnels ou propres au parent de l’enfant. Les variables propres au parent incluent un fonctionnement psychologique sain, une disponibilité affective et physique et une sensibilité aux besoins affectifs de l’enfant.


À ce jour, d’autres thérapies existent pour traiter les psycho traumatismes : l’EMDR, l’Hypnose Ericksonienne (discipline qui permet d’accéder au réservoir de ressources inconscientes de chaque individu) et les TCC (Thérapie Cognitivo-Comportementale). L’alliance thérapeutique est primordiale, et constitue 50 % de la réussite de la thérapie. La voie de la guérison commence donc avec LA personne avec qui vous pouvez devenir totalement vous, quelle que soit la thérapie envisagée.


En conclusion, les considérations sur les effets à long terme des traumatismes précoces balaient toute l’histoire de la psychiatrie moderne. L’exploration des résultats impliqués là va dans le sens des fondations véritables de la compréhension de l’esprit et du cerveau. Notre vulnérabilité à être blessé et exploité est une partie de notre humanité commune. La compréhension de la complexité de cette humanité à tous les niveaux, neuro-physiologique, neuro-chimique, biologiques, psychologique et social, enrichit notre expérience humaine de la joie et de la tragédie de la vie.





Suggestions :

· Jeu : "Et si on jouait avec les émotions ?" : 5 jeux pour découvrir et apprivoiser les émotions en famille (4 ans et +)

· Livres : "La couleur des émotions" dès 3 ans / "As-tu Rempli Un Seau Aujourd’hui ? : le bonheur quotidien expliqué aux enfants" dès 3 ans.


Article rédigé par Anne-Lise GAUTHIER


Source : "La régulation des émotions dans la famille : l’ICV auprès des parents, des enfants et des adolescents" de Joanna Smith, Anandi Steffan Janner et Laure Mann (éditions Dunod). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet. / apprendreaeduquer.fr


Tags : traumatisme, mémoire, relation, comportements, émotions, famille, enfants, parents, ICV, figures d’attachement, ligne du temps

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