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Photo du rédacteurAnne-Lise Gauthier

La nomophobie. Souffrance 2.0

Françoise Giroud (Artiste, écrivaine, Femme politique, Journaliste / 1916 - 2003) disait :

« Vivre sans téléphone portable, vous imaginez le supplice ? ».

Une citation éloquente qui invite à se pencher sur la manière dont ce petit objet qu’on appelle le "portable" a révolutionné nos vies, jusqu’à en devenir une « drogue virtuelle ».

Omniprésent dans notre quotidien, le téléphone portable est en passe de devenir le meilleur ami de l’homme. Or pour 66% de la population, il représente une souffrance. Cette nouvelle maladie s’appelle la nomophobie.


Le terme « nomophobie » désigne une phobie liée à la peur excessive d'être séparé de son téléphone mobile. C'est un mot-valise construit par contraction de l'expression anglaise "no mobile-phone phobia".


Le mot a été inventé au cours d'une étude menée en février 2008 par la UK Post Office qui accrédita YouGov, une organisation de recherche basée au Royaume-Uni, pour observer les angoisses subies par les utilisateurs de téléphones mobiles.


Cette étude révélait déjà à l'époque que 53 % des utilisateurs de téléphones mobiles (76 % chez les jeunes de 18 à 24 ans) au Royaume-Uni avaient tendance à être anxieux quand leur téléphone était perdu, à court de batterie ou de crédit, ou qu'ils n'avaient aucune couverture réseau. L'étude avait été effectuée à partir d'un échantillonnage de 2 163 personnes et montrait que ce phénomène s'amplifiait avec l'avènement des smartphones et des forfaits illimités.





Principaux concernés ?


Les adolescents et jeunes adultes, mais aussi les cadres dynamiques. Les premiers, car cette addiction au portable manifeste la peur sous-jacente d'être isolé du groupe, notamment par l'éloignement des réseaux sociaux, ou celle d'être privé pour un temps de jeux vidéos. Chez les seconds, c'est plutôt l'angoisse de performance qui leur intime d'être constamment joignables, pour leur travail essentiellement.


Pour le meilleur, et pour le pire :


En jurant fidélité, le téléphone facilite bien des choses à son utilisateur, tout en entravant significativement ses relations humaines, indéniablement.


Le téléphone portable est devenu un véritable phénomène de société. Véritable bijou technologique, le téléphone portable connaît un succès inimaginable. Cet objet a bouleversé notre manière de communiquer. L’utilisation du téléphone devient de plus en plus fréquente, ce qui entraîne la modification du paysage socio-économique ainsi que les comportements des individus.


Sans conteste, le numérique nous facilite la vie : des applications toujours plus nombreuses d’informations, de divertissements, de shoppings, mais aussi la possibilité de joindre n’importe qui n’importe quand en un clic, des services simplifiant la vie des plus actifs qui, en quelques secondes, peuvent réserver un billet de train ou d’avion par exemple, ou encore les services bancaires et de paiement par mobile… En somme, c’est une révolution technologique qui nous permet de tout faire, à tout instant, n’importe où.


Mais il ne faut pas négliger le corollaire de ces avancées technologiques. L’exposition permanente aux écrans n’est pas sans danger. Auparavant, aucun produit technologique n’avait autant influé sur notre façon d’être, notre façon de faire, de penser. Outre l’aspect chronophage de leur utilisation, les écrans affectent notamment le développement neuronal mais aussi les rapports sociaux.


Selon un sondage de Pew Internet Project, 67% des personnes interrogées possédant un téléphone portable avouent regarder leur smartphone pour vérifier si elles n’ont pas de messages, appels ou textos même quand aucun signal n’a retenti.

44% disent dormir avec leur téléphone portable à côté du lit ou sous l’oreiller pour ne rien rater. Pire, 29% disent « ne pas pouvoir s’imaginer sans leur téléphone ». Le smartphone a eu un tel impact sur nos vies que beaucoup d’entre nous en sont devenus esclaves.


Semblable au craving (= état de manque) que peuvent ressentir les toxicomanes en sevrage, beaucoup d’utilisateurs sont devenus les esclaves de leurs smartphones. À tel point que le manque de leur écran se traduit par des crises d’angoisse, un rythme respiratoire perturbé, des nausées, des tremblements, un rythme cardiaque accéléré, une fatigue oculaire, des douleurs dans la nuque et les cervicales, une tendinite du pouce due à une inflammation du tendon à force de tapoter…


Alors qu’à l’origine, le téléphone portable est un outil permettant de favoriser la communication, aujourd’hui, il la tue. Une étude menée par KBPC révèle d’ailleurs que les utilisateurs de smartphones consultent leur appareil en moyenne toutes les… 7 minutes 30 ! Comment prendre le temps de réfléchir, d’entamer une discussion, de faire quoi que ce soit si nous détournons notre attention toutes les sept minutes ?





Cette dépendance aux smartphones et le plus souvent le fruit d’une carence. Les réseaux sociaux par exemple répondent à trois besoins humains : l’attachement, l’appartenance à un groupe et la reconnaissance. En fait le virtuel offre de telles possibilités que certains trouvent presque la vie réelle fade. C’est aussi un moyen de se créer une identité différente de ce qui l’on est vraiment.


Votre sommeil vous en veut :


Le problème des téléphones et autres nouvelles technologies, c'est la lumière qu'ils produisent. Lorsque vous regardez votre écran avant d'aller au lit, les photons, les particules de lumière, qu'il renvoie indiquent à votre cerveau que puisqu'il y a de la lumière, il n'est pas encore l'heure de sécréter la mélatonine.

Et puisque vous ne vous sentez pas fatigué, pourquoi ne pas regarder votre téléphone encore un peu ? C'est ainsi un vrai cercle vicieux qui s'enclenche et celui-ci vous maintient éveillé jusqu'à ce que votre cerveau en ait assez. Au final, vous vous endormez 2 heures plus tard que prévu, et votre durée de sommeil est considérablement réduite.


A long terme, ce sont donc de nombreuses et précieuses heures de sommeil qui seront perdues et ce la peut avoir de sérieuses conséquences sur votre humeur et votre santé en général.


Des chercheurs ont ainsi démontré qu'utiliser son smartphone avant d'aller se coucher altère le bon fonctionnement du système nerveux et du métabolisme.


Une des solutions simple et accessible pour réduire cette dépendance serait de poser son smartphone une heure avant d’aller se coucher. Cela peut-être un bon début de « sevrage » et améliore la qualité du sommeil.


Explications de Daniel J. Siegel, professeur de psychiatrie clinique à la faculté de médecine de l'UCLA et directeur exécutif du Mindsight Institute :




Le choix de la liberté :


La nomophobie peut donc être corrélée à certains traits de personnalité, et se traite par des psychothérapies spécialisées. « Il faut adapter la thérapie à la genèse de la phobie », indique le docteur Neveux : les TCC (thérapies cognitives comportementales), ou encore les TPI (thérapies interpersonnelles).


Traiter les symptômes d'angoisse générée par la nomophobie peut passer par une prise d'anxiolytiques, qui doit être prescrite par votre professionnel de santé et limitée dans le temps. Les plantes, particulièrement la Valériane, sont une alternative aux anxiolytiques dans le traitement des angoisses, de même que la relaxation.





Techniquement, il est conseillé de désactiver ses notifications et alertes, mais également, de ne pas garder son téléphone sur soi en permanence : une étude de 2017 a ainsi montré que le smartphone accapare une partie de nos capacités cognitives même simplement éteint et posé à côté de soi.


Enfin, diversifier ses activités, faire du sport et enrichir sa (vraie) vie sociale reste le meilleur moyen d'éviter de tomber dans la nomophobie.


La prévention de ce nouveau type d’addiction est également un élément majeur. Prévenir la nomophobie passe avant tout par l'éducation, l'emploi modéré des écrans dès le plus jeune âge, et l'apprentissage des limites.


Au total, même si en théorie il le permet, l’idéal serait que le téléphone ne se substitue pas à la lecture d’un livre par exemple, à une soirée en famille ou entre amis, à des rencontres physiques et non virtuelles. Sans compter que se détacher un peu de cette technologie permet à l’esprit de se réapproprier son environnement, de penser, de réfléchir, de contempler, bref de vivre.





Article rédigé par Anne-Lise GAUTHIER


Tags : Téléphone ; addiction ; nomophobie ; souffrance ; dépendance ; soutien ; technologie ; psychologie ; hygiène de vie.

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